Ferrer (Boniface; Ferrier), chartreux, † 1417

— 1. Vie. — 2. Œuvres.
1. Vie.
— Boniface Ferrer naquit à Valence (Espagne) en 1350 ou 1355 ; il était le frère de saint Vincent Ferrier. Il étudia la jurisprudence à Lérida, Pérouse, et de nouveau Lérida, devint docteur en l'un et l'autre droit et en théologie. Il se maria en 1382, eut sept filles et au moins deux fils. Juré de Valence, il fut député aux Cortès de Monzon en 1389, mais il fut bientôt déposé, jugé et emprisonné (le dossier de l'affaire est aux archives municipales de Valence). A sa libération en 1394, sa femme et ses filles étaient mortes. Il décida, sous l'influence de son frère, de prendre l'habit le 21 mars 1396 à la chartreuse de Porta Coeli, près de Valence ; 193 trois mois plus tard, il faisait profession et était ordonné prêtre. Il devint procureur en 1399 et prieur en 1400. Benoît XIII, qui avait eu pour confesseur Vincent Ferrier (1395-1399), prit Boniface en affection et le désigna, en 1401, comme légat auprès du roi de France Charles VI. La même année, Boniface était élu prieur général de l'ordre cartusien. Pendant son généralat, il fut fréquemment retenu auprès de Benoît XIII, qui l'envoya au concile de Pise en 1409 avec la délégation qui l'y représentait (la Relatio itineris de cette ambassade est signalée à la bibliographie).
D'accord avec Étienne Maconi, prieur général des chartreux qui reconnaissaient la juridiction du pape de Rome, Boniface Ferrer renonça à sa charge. Benoît XIII lui intima l'ordre de reprendre ses fonctions (la correspondance à ce sujet est publiée dans Martène et Durand, col. 1530-1534, cités ci-dessous), malgré la nouvelle élection faite par le chapitre général (1410). Ferrer s'établit en Espagne tout en veillant sur les chartreuses de son obédience. Il resta fidèle à Benoît XIII mais vécut dans une situation extrêmement ambiguë jusqu'à ce que le concile de Constance lui donna l'occasion, ainsi qu'à son frère Vincent, de se détacher définitivement de l'antipape Pierre de Luna (1416). Il mourut en grande réputation de vertu à la chartreuse de Vall de Cristo (Ségorbe), le 29 avril 1417 ; il avait eu la joie d'y admettre son fils Jean (entré en 1412 et mort en 1451).
2. Œuvres.1° Traductions.
— Entre 1396 et 1402, Boniface Ferrer, aidé de moines de Porta Coeli, traduisit en valencien la Vulgate latine de la Bible. Après révision par le dominicain Jacques Borrell, inquisiteur de Valence, cette traduction, remaniée, fut imprimée à Valence en 1477-1478 (in-folio). Le psautier (Psalteri) fut réimprimé à part en 1480 ; un exemplaire en est conservé à la bibliothèque Mazarine (n. 1228), à Paris. La Biblia a disparu complètement ; l'interdiction de publier des ouvrages religieux en langue vulgaire explique en partie cette disparition. Ferrer traduisit aussi en valencien le Bréviaire, le Martyrologe et les Épîtres de l'année liturgique.
2° Œuvres concernant les chartreux.
— Elles ont été éditées par J.-L. Villanueva dans son Viage literario, auquel nous renvoyons. — Quare cartusienses non comedant carnes (t. 4, p. 220-226) ; si la question était vieille, on sait aussi que Benoît XIII voulait autoriser l'usage de la viande. — Libellus ostendens quod ad probandam sanctitatem et puritatem ordinis cartusiensis non est necessarium quod dictus ordo habeat sanctos canonizatos vel quod in eodem ordine fiant miracula (p. 226-235), où Ferrer défend son ordre contre ceux qui tireraient argument du petit nombre de chartreux canonisés : la canonisation n'ajoute pas à la sainteté et ne la confère pas ; elle la consacre pour l'utilité et l'édification communes ; des solitaires ont moins besoin que d'autres de cette consécration et c'est pourquoi la Chartreuse ne soumet pas en cour de Rome la cause de ses saints moines. — De caeremoniis ordinis cartusiensis, et de ejus confirmatione et approbatione (p. 235-237). Jean Gerson (Opera, t. 2, Anvers, 1706, col. 711-730) a trois traités qui portent à peu près les mêmes titres et présentent des ressemblances frappantes d'idées et d'expressions avec ceux de Ferrer. Seule, une édition critique pourra trancher le débat, — De caeremoniis ordinis cartusiensis, de officio divino, maxime in missa (Villanueva, p. 237-246). — De aegrotis visitandis et defunctorum sepultura juxta ritum FF. Cartusiensium 194 (p. 249-256). — Ordinatio de novitio induendo et introducendo in cellam (p. 246-249). — Declarationes et responsiones super quibusdam dubiis (bibl. de Grenoble, ms 655).
3° Autres oeuvres.
— Un De passione Domini, attribué à Ferrer, est loué par Jean des Anges. — Les Joies du rosaire (Gozos del Roser), qui lui sont aussi attribuées, semblent plutôt l'oeuvre de son frère Vincent. — Un recueil de Sermons et un autre de Lettres sont restés manuscrits.
Le manuscrit de la Relatio itineris de la légation de Benoît XIII au concile de Pise est signalé par N. Antonio (Bibliotheca hispana vetus, t. 2, Madrid, 1788, p. 214) ; il n'est pas impossible que Ferrer en soit l'auteur. — Pris à partie par Guillaume de la Motte, (qui sera prieur général de 1420 jusqu'à sa mort, en 1437) pour être revenu sur sa renonciation au généralat, Boniface Ferrer répondit avec quelque vigueur au Mémorial du chartreux français par un De schismate pisano (1411), parfois désigné sous le titre de Specula contra vasa irae super haeretica pravitate pisana. Martène et Durand le publièrent sous le titre de Tractatus pro defensione Benedicti XIII, dans leur Thesaurus novus anecdotorum (reproduit dans D. Tromby, loco cit. infra). Ferrer demandait aux chartreux de son obédience la soumission à Benoît XIII ; ce que fit la Motte lui-même.
1. Renseignements biographiques et milieu de vie.
— Archives anciennes de la Grande Chartreuse, de Porta Coeli et de Vall de Cristo. — J.-B. Civera † 1655, Vie de Boniface Ferrer, en grande partie traduite en latin dans L. le Vasseur, Ephemerides ordinis cartusiensis, t. 1, Montreuil, 1890, p. 520-541, — J. Alfaura † 1672, Vie de Boniface Ferrer dans l'Historia o anales de la Real Cartuja de Vall de Cristo, spécialement utilisée par le biographe P. Morro. — Ch. le Couteulx, Annales ordinis cartusiensis, t. 7, Montreuil, 1890, p. 382-388. — F. Tarin y Juaneda, La cartuja de Porta Coeli. Apuntes históricos, Valence, 1897, p. 171-192, 263-264. — P.-H. Fages, Histoire de saint Vincent Ferrier, 2e éd., 2 vol., Paris-Louvain, 1901 ; Notes et documents de l'histoire de saint Vincent Ferrier, Paris-Louvain, 1905. — P. Morro, Dom Bonifacio Ferrer. Su vida. Sus obras, Valence, 1917. — S. Puig y Puig, Episcopologio barcinonense. Pedro de Luna, ultimo papa de Avignon (1387-1430), Barcelone, 1920. — Escritores cartujos de España, chartreuse de Aula Dei, 1954, p. 68-76, ronéotypie.
Espasa, passim : t. 23, p. 919 ; t. 52, p. 349 ; t. 66, p. 623-624, 916-918 ; t. 68, p. 80, 85 ; t. 70, p. 1092. — S. Autore, art. Ferrier, DTC, t. 5, 1912, col. 2178-2181. — H. Diez, art. Boniface Ferrier, DHGE, t. 9, 1937, col. 951-955. — A. Sauchay, art. Ferrier, dans Catholicisme, t. 4, 1956, col. 1201-1202.
2. Éditions et travaux.
— E. Martène et U. Durand, Thesaurus novus anecdotorum, t. 2, Paris, 1717, col. 1435-1529 Tractatus pro defensione Benedicti XIII ; col. 1530-1534 lettres de Benoît XIII. — D. Tromby, Storia critico-cronologica diplomatica del patriarca S. Brunone e del suo ordine cartusiano, t. 7, Naples, 1777, appendice 2, p. CCI-CCLXII réédition du Tractatus précédent. — J.-L. Villanueva, Viage literario a las iglesias de España, t. 4, Madrid, 1806, p. 18-59 renseignements sur Ferrer ; p. 218-256 édition des opuscules de Ferrer concernant les chartreux.
L. Tramayeres Blasco, La Biblia valenciana de Bonifacio Ferrer, dans Revista de archivos, bibliotecas y museos, 3e série, t. 21, 1909, p. 234-248. — K. Haebler, The Valencian Bible of 1478, dans Revue hispanique, t. 21, 1909, p. 371-387. — J. Ribelles Comín, Bibliografía de la lengua valenciana, t. 1, Madrid, 1920, p.9-67, 304-314.

Bruno RICHERMOZ.

© Éditions Beauchesne Paris